Sans assurance-emploi en cours durant la dépression des années 30, les ouvriers n’avaient droit à du soutien que s’ils travaillaient sur des projets publics de la Défense nationale, tels que la construction de cette route à Rockliffe.

Pour tous ceux qui sont sans emploi et qui tentent de survivre avec l’assurance-emploi, ce n’est pas une surprise d’apprendre que depuis le début de la récession de 2008, le Canada s’est retrouvé derrière bon nombre de pays développés lorsqu’il est question de la création d’emplois.

Ceci nous mène à songer sur la question des autres époques au cours desquelles il y eut de hauts taux de chômage et aux réactions des travailleurs. Mis à part les rudes années 30, nos livres d’histoire ne portent qu’une attention minime aux chômeurs, et pourtant, notre économie a été une grande source de problèmes pour les travailleurs, et ce à plusieurs reprises dans l’histoire.

À Ottawa, les édifices parlementaires n’offrent que peu d’opportunités de porter attention au chômage. Durant leur construction initiale, dans les années 1860, le budget avait été épuisé et la construction devait être interrompue durant tout l’hiver de 1862, jusqu’en 1863. Sur la colline, il ne restait que des édifices partiellement complétés, des pierres et des débris, alors que dans la ville, les familles affamées tentaient de survivre à un long hiver. L’arrêt des travaux a été drastique pour Ottawa, laissant entre 1 300 et 1 700 hommes sans emploi, sans opportunité d’emploi ailleurs, et sans compensations pour les aider à nourrir leurs familles.1

La dépression qui a débuté en 1913 et qui s’est étalée sur toute la période de la Première Guerre mondiale a fait beaucoup de dommages parmi les ouvriers; certaines manufactures ont vu plus de 40% de leurs employés se retrouver sans travail. Ceux qui n’avaient pas de revenu devenaient de plus en plus désespérés. En 1916, à la suite de l’incendie qui a détruit le Bloc central, les Travaux publics ont fait un appel pour 300 ouvriers. Le résultat a presque causé une émeute. Plus de 2 000 hommes se sont rués vers la colline, réclamant du travail; des centaines ont pris d’assaut le terrain, mettant la main sur les outils dans l’espoir de se voir offrir un emploi.

Les membres du Allied Trades and Labour Association ont réagi à ces hauts taux de chômage et sont parvenus à convaincre le conseil municipal d’établir un bureau municipal d’aide à l’emploi.2 Toutefois, le Canada ne mettra pas sur pied son programme fédéral de chômage avant 1918 avec l’adoption de La Loi de coordination des Bureaux de placement de 1918l’acte de Coordination des bureaux d’emploi. Ce programme était financé par les paliers fédéral et provincial, avec des subventions fédérales pour l’ouverture de bureaux d’emploi provinciaux. Au même moment fut créé le département des Services à l’emploi, avec pour mandat de fournir des données et des conseils sur l’emploi.

L’établissement d’un système national d’assurance-emploi n’a pas été une lutte de tout repos. L’acte d’Emploi et d’assurance sociale de 1935, adopté par les Conservateurs de Bennett, a établi un schéma national de chômage, mais le nouvellement élu gouvernement libéral a référé l’acte à la Cour suprême. L’acte a été aboli sur des bases constitutionnelles puisque l’assurance-emploi était de juridiction provinciale. Il aura fallu le gouvernement britannique pour amender l’acte Britannique nord-américain de 1940, avant même que le gouvernement ne puisse réagir, pour reconnaître l’assurance-emploi comme étant un pouvoir du palier fédéral. D’ici là, la dépression des années 30 a fait tant de ravages que le gouvernement avait été pressé d’agir rapidement. À peine un mois plus tard, le gouvernement fédéral adopta l’acte de l’Assurance-emploi, instaurant ainsi un système public national.

Les travailleurs de 1862-63 et ceux de 1916 avaient besoin de l’appui d’un tel système, mais n’en avaient aucun. C’est à eux que nous le devons, et à tous ceux qui ont lutté pour faire de l’assurance-emploi nationale une réalité, et pour s’assurer que le système continue de servir les travailleurs. Mais un tel système ne pourrait remplacer ce dont les travailleurs ont besoin et ce qu’ils réclament : un emploi.

Par Ken Clavette | Traduit par Ivan Videnov

1 BIGIO, Alia, essai pour The Parliament Buildings: The Untold Story (recherché non-publiée), 2005, p. 2.
2 SYKES, Peggy, History of the Allied Trades and Labour Association 1897-1922: A Study of Working-Class Resistance and Accommodation by the Craft Worker, Université Carleton, mai 1992, pp. 48-49.