Deirdre Gallagher

Deirdre est née en 1946 à Dartford, en Angleterre, et elle est arrivée au Canada avec sa famille en 1951, juste à temps pour commencer l’école. Ses parents, Olive et Gerry, étaient fiers d’appartenir à la classe ouvrière et elle grandit en écoutant son père, Gerry Gallagher, dirigeant syndical, parler d’injustice et de droits des travailleuses et des travailleurs. À 16 ans, elle quitta l’école pour travailler avec son père au bureau du syndicat.  Elle s’est engagée dans la Jeunesse néo-démocrate où elle a rencontré et plus tard épousé André Bekerman et, en 1971, leur fille bien-aimée Nadia est née. Deidre retourna à l’école pour finir ses études secondaires, puis obtenir un baccalauréat avec spécialisation de l’Université de Toronto. Pendant ce temps, Deirdre devint de plus en plus militante… elle est une féministe précoce, une socialiste, une championne de la lutte contre le racisme.  Après la séparation avec André, elle participa à la lutte pour obtenir des services de garde d’enfants à l’Université de Toronto, où elle rencontra des femmes qui devinrent des amies à vie.

Varda Burstyn a rencontré Deirdre en 1968, alors qu’elles avaient toutes deux la vingtaine. « Nous faisions toutes les deux parties, à notre manière, d’une nouvelle gauche dynamique qui avait revigoré les éléments plus anciens de la gauche traditionnelle, élargissant la portée, le rayonnement et la verve de la politique des classes au Canada. Deirdre, du haut de ses 23 ans, était déjà un vétéran de ce mouvement politique passionnant. Ce que Deirdre incarnait à l’époque – nous dirions aujourd’hui son intersectionnalité – elle l’a partagé avec toutes et tous en faisant preuve d’un leadership brillant dévoué à l’essor du féminisme et de la compréhension du féminisme dans le mouvement ouvrier en même temps qu’elle expliquait et combattait pour une analyse des classes et une politique des classes dans le mouvement des femmes. »

Au milieu des années 70, Deirdre contribua à la fondation de Organized Working Women et, comme le rappelle Debbie Fields, elle devint la première secrétaire exécutive de l’OWW en 1977. « Deirdre croyait que les femmes devaient s’organiser elles-mêmes pour faire entendre leur voix et elle joua un rôle de premier plan dans la mise sur pied de comités de femmes au sein des syndicats. Deirdre et moi faisions partie du groupe qui a organisé la première marche de la Journée internationale des femmes à Toronto en 1978. Cette année-là, je suis devenue la première coordonnatrice de l’égalité des chances du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) et j’avais grandement besoin d’aide pour tenir tête à la direction majoritairement masculine. Je savais pouvoir compter sur les conseils judicieux de Deirdre. »

À l’OWW, Deirdre a également travaillé en étroite collaboration avec Shelley Acheson qui était agente des droits de la personne et membre de l’exécutif de l’OWW à la Fédération du travail de l’Ontario (FTO). Elle se souvient de son amie comme une femme de principes, inspirante et charismatique. « Sa profonde connaissance du mouvement syndical et du rôle essentiel que jouent les syndicats pour améliorer le lot des travailleuses et des travailleurs a fait d’elle une excellente professeure pour bon nombre d’entre nous, jeunes femmes que nous étions. »

Elle a également travaillé avec Deirdre au sein du Comité des femmes de la FTO. « Il convient de souligner qu’elle a organisé les femmes aux microphones lors du congrès de la FTO de 1982, afin d’obtenir cinq places pour les femmes au conseil d’administration de la FTO. Il s’agissait d’une proposition audacieuse, soutenue par la direction de la FTO, mais qui n’était pas populaire au sein du mouvement en général. Deirdre n’a pas reculé… elle a affronté les principaux dirigeants masculins des syndicats et a tenu bon. Son courage a inspiré les autres, ce qui a marqué un tournant important dans l’obtention du pouvoir et de la reconnaissance des femmes dans le mouvement syndical. »

En 1979, Deirdre a obtenu un emploi au sein du service des communications des United Steelworkers of America. David Mackenzie, ancien adjoint au directeur national, se souvient de Deirdre….. « Elle a laissé sa marque sur le syndicat après les quelques cinq années au sein de celui-ci, en améliorant sensiblement la qualité de nos opérations et de nos activités publiques. En collaboration avec Marc Zwelling, elle a produit un nombre incalculable d’articles, de communiqués de presse, de dépliants, de documents de conférence et de notes d’allocution sans oublier la refonte du mensuel Steelabour. Elle commanda rapidement le respect de la direction du syndicat et elle fut nommée directrice de la communication lors du départ de Marc en 1981. Elle collabora également à l’élaboration d’un programme de formation encourageant les femmes des Métallos à assumer des rôles de direction dans leur section locale et dans le mouvement en général. Il s’agissait d’un programme révolutionnaire, qui a ouvert la voie aux initiatives populaires telles « Women of Steel » du syndicat au cours de la décennie suivante. »

En 1983, Deirdre se joigna au bureau régional de l’AFPC à Toronto à titre de représentante régionale, mettant à contribution ses connaissances et son expérience inestimables en matière de syndicalisation, de formation syndicale, de communications et de mobilisation de grève. Sue Jones, d’abord militante de l’AFPC, puis représentante régionale, se rappelle avoir travaillé avec Deirdre à Toronto.  « Elle s’employa à bâtir le syndicat pour le rendre plus représentatif à bien des égards. Son style de travail inclusif a contribué à rendre le bureau productif… elle était une penseuse stratégique, planifiant toujours à long terme… Je pouvais sentir son intensité quand nous travaillions ensemble. »

C’est au cours de cette période que Deirdre rencontra Eric Lunn, son âme sœur, et, en 1988, ils eurent un fils chéri, Liam.

En 1990, Deirdre a accepté un poste au sein du gouvernement néo-démocrate nouvellement élu, travaillant pour Frances Lankin. En 1991, elle fut attirée de nouveau par l’AFPC : elle déménagea à Ottawa et assuma une série de postes de direction où elle fit appel à ses compétences organisationnelles pour opérer des changements au sein du syndicat. En tant que directrice adjointe des Bureaux régionaux, elle a pris sur elle de remanier l’équipe de gestion régionale, un projet colossal qui donna lieu à des consultations suivies.

À la fin des années 90, Deirdre est devenue directrice de la Négociation collective et elle s’est aussitôt mise au travail pour changer les choses pour le mieux.

Theresa Johnson se souvient : « À cette époque, l’AFPC était de plus en plus consciente du manque de représentation équitable dans les rangs du personnel. La direction de la Négociation collective comptait notamment une cohorte de négociateurs exclusivement masculins. Deirdre était d’avis que cela devait changer. Elle s’est attelée à la tâche ! Je n’oublierai jamais l’invitation à une conférence à laquelle Deirdre a proposé que nous partagions la route. J’étais un peu intimidée. J’admirais sa fine intelligence et son sens de l’analyse, mais je me demandais pourquoi j’étais la seule à être invitée à faire la route avec elle. J’ai vite compris ! Deirdre, toujours aussi stratégique, avait le projet de trouver deux femmes comme négociatrices, c’est-à-dire qu’elle voulait que Sue Jones et moi postulions. « Il y aura des femmes négociatrices. Nous aimerions qu’elles viennent de l’intérieur de l’AFPC. Deirdre était une femme qui savait reconnaître le talent et le potentiel de ceux et de celles qui l’entouraient. Elle faisait entrer les gens dans son orbite, les aiguillait et les encourageait à atteindre leur plein potentiel. »

Terri Lee Rayvals Mele, ancienne membre du personnel de l’AFPC, se souvient comment Deirdre a profondément façonné son cœur, sa politique, son sens de soi et sa carrière.

« En tant que responsable du personnel de l’AFPC, Deirdre a trouvé le moyen d’appliquer ses principes au travail.  Elle a empreint son pouvoir de dignité en créant des espaces égalitaires pour que le personnel et les membres de l’AFPC puissent dialoguer, s’organiser et s’agiter, même lorsque c’était contre elle qu’ils s’agitaient.  Sous sa direction, la culture même de notre syndicat a évolué et nous sommes devenus moins un club de « vieux garçons » et davantage une organisation sérieuse, diverse, plus inclusive et progressiste; pas parfaite, mais nettement mieux.  Deirdre a ouvert la voie aux femmes dans de nombreuses professions syndicales qui étaient auparavant réservées, presque exclusivement, aux hommes. »

Deirdre était une stratège, soit un atout pour tout dirigeant élu du syndicat. Elle avait un profond respect pour les membres du syndicat et leur capacité à se mobiliser efficacement. Elle était de toutes les campagnes syndicales, notamment celle de la lutte historique pour l’équité salariale, un dossier qui lui tenait à cœur.

Deirdre avait la ferme conviction que le personnel syndical devait être représentatif des membres et, dans ses divers postes de direction, elle a toujours visé cet objectif.

Malheureusement, Deirdre est actuellement prise en charge car elle souffre d’une forme de démence précoce.

Bien qu’elle soit désormais incapable de communiquer avec nous, elle reste dans nos cœurs et elle continue de nous inspirer.

Comme le dit Varda Burstyn : « Oratrice passionnée, stratège brillante, grande écrivaine, travailleuse infatigable et belle femme, corps et âme, elle mérite d’être honorée comme une grande pionnière de la justice et du changement, car sans ses efforts, notre société serait plus pauvre ».

Le 25 août 2022, Deidre Gallagher s’est éteinte en douceur au Glebe Centre à Ottawa.