Hommage à Ed Finn (4 juin 1926 – 27 décembre 2020)

Ed Finn s’est éteint à l’âge de 94 ans. Les Canadiennes et les Canadiens, notamment celles et ceux de la classe ouvrière, ont perdu un porte-parole important dans leur lutte pour l’égalité économique et sociale.

Né à Spaniard’s Bay et élevé à Corner Brook dans ce qui était alors le Dominion de Terre-Neuve, essentiellement une colonie de la Grande-Bretagne, Ed a quitté l’école avant la fin de sa 11e année pour travailler d’abord à la papetière Bowater, puis au journal local, The Western Star. Après avoir gravi les échelons de la salle de presse, Ed est devenu journaliste, puis rédacteur en chef, après avoir travaillé comme journaliste pour la Gazette de Montréal. À cette époque, Terre-Neuve, dirigée par Joey Smallwood, arrivait sur la fin de sa première décennie en tant que dixième province du Canada. Ed a d’abord admiré M. Smallwood, mais ils se sont ouvertement affrontés lorsque les bûcherons représentés par l’International Woodworkers of America ont fait la grève. Le gouvernement de M. Smallwood a tenté de décertifier le syndicat et a fait appel à la police pour harceler les piquets de grève. Plutôt que de céder aux pressions de son éditeur pour dénigrer la cause des grévistes et se faire le porte-voix de l’entreprise et du gouvernement lors du conflit, Ed et deux de ses collègues quittèrent le journal pour créer un journal rival, The Newfoundland Examiner, lequel était consacré à la découverte de la corruption des entreprises et du gouvernement.

Ed a ouvert un autre front dans la lutte contre le Parti libéral de Smallwood lorsque, avec l’appui du Congrès du travail du Canada, il a aidé à fonder le Parti démocratique de Terre-Neuve qu’il a mené aux élections provinciales de 1959. Ni le parti, ni Ed ne furent élus, mais ils contribuèrent à donner voix à l’important mouvement ouvrier en pleine effervescence dans la province à l’époque. Sans se décourager, Ed se présenta à nouveau aux élections provinciales (1962) et fédérales (1963) sous une autre bannière du parti démocratique, cette fois-ci celle du tout Nouveau Parti Démocratique de Tommy Douglas.

Ardent défenseur de la classe ouvrière, Ed, avec l’œil critique d’un journaliste, a consacré les nombreuses années subséquentes à la lutte pour l’équité dans un Canada de plus en plus capitaliste. En 1962, il a mis à contribution ses talents de grand communicateur pour aider le gouvernement néo-démocrate de Tommy Douglas en Saskatchewan à contrer la désinformation émanant des médecins en grève qui s’opposaient au nouveau régime d’assurance-maladie provincial. Son hebdomadaire The Public Voice a largement contribué à dresser l’opinion publique contre la campagne des médecins, permettant ainsi à un régime d’assurance-maladie provincial naissant de s’enraciner et de servir de tremplin au programme national dont le peuple canadien continue de profiter à ce jour.

Ed a ensuite consacré une trentaine d’années à travailler pour le mouvement syndical canadien en devenir à Ottawa, d’abord pour le compte de la Fraternité canadienne des cheminots, du transport et des autres travailleurs pendant 18 ans, puis pour le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Au sein de la Fraternité, il a édité le magazine primé Canadian Transport jusqu’à ce qu’il soit licencié pour avoir refusé de franchir un piquet de grève dressé par le personnel de soutien de son employeur. Une fois de plus, Ed a eu le courage de ses convictions. Les dix années subséquentes ont été passées au bureau national du SCFP, où il a révisé The Facts, un journal à grand tirage du mouvement syndical, fournissant aux militantes et aux militants, aux dirigeantes et aux dirigeants élus et au personnel les munitions nécessaires pour lutter contre le programme néo-libéral de l’époque. Écrivain prolifique, Ed savait distiller l’essentiel d’enjeux complexes pour les rendre faciles à comprendre des travailleuses et des travailleurs ainsi que du grand public.

Ed en avait long à dire et il cherchait constamment à élargir son auditoire. Il a été chroniqueur pour le Toronto Star pendant 14 ans, probablement le premier chroniqueur syndical de ce journal. En 1991, contraint de prendre sa retraite du SCFP à l’âge de 65 ans, il s’est empressé d’écrire pour le Centre canadien de politiques alternatives dont il est devenu le rédacteur en chef, puis lancé sa publication mensuelle Monitor, dont il s’est occupé jusqu’à sa retraite en 2014, à l’âge de 87 ans. Il a continué de rédiger des articles, des essais, des livres et des rapports jusqu’aux derniers mois de 2020. Son livre : The Right is Wrong and the Left is Right résume avec perspicacité son avis sur la scène politique actuelle, tout comme ses articles Canada’s Dismal Record on Child and Elder Care Leaves Little Room For National Pride et Cuban Missile Crisis Anniversary A Reminder Of The Dangers Of Donald Trump, parus dans rabble.ca en septembre et en octobre 2020, respectivement.

Ed fut nommé à l’Ordre du Canada sur le tard, en novembre 2020.