Le Musée de l’histoire ouvrière est dévoué à trouver de nouveaux sujets d’intérêt potentiels afin d’établir des liens entre les citoyens de la collectivité d’Ottawa et l’histoire ouvrière qu’ils ont en commun. Depuis l’établissement des Lignes aériennes Trans-Canada, dont le premier vol a eu lieu en 1937, des Canadiens travaillent pour la compagnie (les Lignes aériennes Trans‑Canada ont adopté la désignation bilingue actuelle Air Canada en 19651). Une attention particulière à la collection d’uniformes des agents et agentes de bord présentée par la Société du Musée des sciences et de la technologie du Canada (SMSTC) amène à conclure que chaque artéfact raconte l’histoire de l’évolution du rôle des agents et agentes de bord et du changement de perception à leur endroit au Canada.

Récemment, j’ai eu le plaisir de visiter la collection présentée par la SMSTC et d’avoir droit à une visite guidée de l’exposition des uniformes d’Air Canada de la part de Molly McCullough, conservatrice adjointe (aviation) au Musée. La collection rassemble un éventail d’uniformes de différentes compagnies aériennes. Cependant, la collection la plus complète de la SMSTC comprend les uniformes d’Air Canada.

Depuis l’embauche de la toute première agente de bord par les Lignes aériennes Trans-Canada en 1938, on compte neuf uniformes différents pour les femmes, tandis que les uniformes pour les hommes ont très peu changé depuis que des agents de bord masculins se sont joints à l’effectif d’Air Canada en 1945. De plus, jusqu’en 1978, les agentes de bord portaient un uniforme différent qui les distinguait de leurs homologues masculins2. Les six uniformes dont il sera question ci-après ont été choisis afin de refléter les différents styles vestimentaires de la mode canadienne. Ils témoignent également du changement de perception graduel à l’égard du rôle des agents et des agentes de bord.

AirCanada1smLes agentes de bord d’Air Canada ont porté l’uniforme d’hiver de 1964 à 19693. L’uniforme, dessiné par Michel Robichaud, était conçu de façon à offrir un vêtement pratique et ayant du style aux agentes de bord.

L’uniforme était composé d’un tailleur vert foncé avec jupe de ligne A afin de faciliter les déplacements et il était également traité contre l’électricité statique4. Air Canada décrivait la sortie du nouvel uniforme dans le bulletin d’information d’octobre 1964 Between Ourselves comme suit : « […] de simple élégance, et qui trouverait parfaitement sa place dans la salle à manger d’un restaurant branché. » L’accent sur l’élégance et le style démontre qu’il était très important que les agentes de bord suivent les dernières tendances de la mode, contrairement à leurs homologues masculins.

 

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En 1972, l’uniforme du directeur du service de bord consistait d’un veston bleu muni de bandes jaunes. La comparaison entre l’uniforme du directeur du service de bord et celui composé de la mini robe présentée ci-dessous révèle combien les uniformes des agentes de bord favorisaient l’individualité et le style alors que ceux des agents de bord s’inspiraient de l’aspect pratique.

 

 

 

 

 

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La mini robe, portée de 1969 à 1973, était offerte en trois couleurs, soit le rouge, le bleu (présentée dans la photo) et le blanc5. Les similitudes observées entre la robe et le phénomène Star Trek démontrent à quel point les vêtements étaient issus de la mode et de la culture populaire des années 1970.

 

 

 

 

 

AirCanada4smL’uniforme composé de pièces à coordonner, porté de 1973 à 1978, est celui qui reflète le mieux la volonté d’Air Canada de favoriser l’individualité des femmes. L’uniforme comprenait plus de cinquante pièces et pouvait être coordonné de 300 façons différentes6.

Ainsi, Air Canada laissait la liberté aux femmes d’exprimer leur individualité, de choisir leur propre style. En ce qui concerne les hommes, il n’était pas aussi important d’exprimer une telle liberté. L’uniforme présentait cependant un inconvénient : les passagers avaient de la difficulté à reconnaître les agents et les agentes de bord. Enfin, on remarque que, par son uniforme, l’agente de bord représentait une icône culturelle pour Air Canada – rôle que ne remplissait pas l’agent de bord étant donné le peu de changements apportés à son uniforme.

 

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Des uniformes semblables pour les hommes et les femmes ont vu le jour en 1978. Pour une toute première fois, les hommes et les femmes portaient des vêtements pareils, mais coupés différemment.

L’uniforme du chef de cabine était composé d’un blazer bleu marine, d’un gilet rouge, d’un pantalon ou d’une jupe pour les femmes7. Tous les blazers étaient ornés de l’écusson d’Air Canada.

L’uniforme témoignait d’un changement d’intention de la part de la compagnie aérienne, c’est‑à‑dire de rendre tous les membres d’équipage reconnaissables. La remarque formulée par la toute première agente de bord d’Air Canada, Lucile Garner Grant, à l’effet que les uniformes des agents et agentes de bord n’étaient pas bleu marine parce AirCanada6smque « c’est ce que portaient les pilotes8 » traduit bien les nombreux changements apportés aux uniformes des agentes de bord avant 1978. (Les Lignes aériennes Trans-Canada ont adopté de nombreux uniformes bleu marine de 1930 à 1960, mais la remarque de Grant témoigne de la décision de la compagnie aérienne d’opter pour un uniforme beige comme tout premier uniforme des agentes de bord9.)

Le témoignage de Grant révèle l’hésitation de concevoir des uniformes unisexes et ouvre d’autres pistes de travail sur ce projet. Tout comme chaque uniforme reflète une mode et une façon différente de percevoir l’agente de bord, il présente aussi l’histoire ouvrière unique de la personne qui l’a porté.

 

Lors de ma visite, Mme McCullough a mentionné que de nombreux agents et agentes de bord de l’époque se font un réel plaisir de raconter leur expérience et d’en discuter. Une possibilité pour un projet ou une exposition d’histoire orale dans la région pourrait comprendre l’utilisation de photos des uniformes afin de résumer les souvenirs d’hommes et de femmes d’Ottawa qui ont travaillé pour Air Canada au cours des 75 dernières années. Nous désirons vivement retracer ces histoires et rassembler ces artéfacts. Si ce sujet vous passionne ou si vous souhaitez faire part de votre propre histoire, nous vous invitons à communiquer avec le Musée de l’histoire ouvrière.

Par Christina Stokes | Traduit par Valérie Lalonde


1 Air Canada, 75 Years of Innovation from 2012, p. 50.
2 Between Ourselves, le 31 janvier 1978, p. 7.
3 Renseignements fournis par Molly McCullough lors de la visite guidée de la collection exposée par la SMSTC.
4 Renseignements tirés du catalogue de la SMSTC.
5 Air Canada, 75 Years of Innovation from 2012, p. 50.
6 Ibid.
7 Renseignements tirés du catalogue.
8 Air Canada, p. 45.
9 Ibid.