Les Canadiens noirs, particulièrement les travailleurs canadiens de race noire, ont trop longtemps été oubliés de l’histoire canadienne. Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, nous souhaitons raconter un peu de leur expérience et souligner l’importance qu’elle a aujourd’hui dans notre vie.

Contributions du temps de guerre

Les Canadiens de race noire ont joué un rôle crucial dans chacune des guerres mondiales. En 1916, le nombre de personnes enrôlées était radicalement inférieur à l’objectif de fin d’année. no2 constructionRecevant l’offre du révérend C.W. Washington d’Edmonton, les représentants militaires ont autorisé la création du 2e Bataillon de construction, la première grande unité militaire noire de l’histoire canadienne. Ces soldats ont servi en France au sein du Corps forestier canadien. De plus, environ 2 000 hommes canadiens noirs, déterminés à occuper les lignes de front, ont réussi à se joindre aux unités régulières malgré la discrimination raciale; leur honorable service a valu à certains d’entre eux des médailles de bravoure.

Ces hommes sont de loin les seuls Canadiens noirs à participer aux efforts du Canada durant la Première Guerre mondiale. Entre 1914 et 1918, des associations noires et des individus ont recueilli des fonds, ont travaillé dans des usines et se sont portés bénévoles dans des hôpitaux ou à titre d’ouvriers, de façon autonome ou en collaboration avec des groupes de personnes de race blanche. Quoiqu’il leur fût interdit de participer à l’effort de guerre du Canada, les femmes noires ont particulièrement joué un rôle important. Elles ont fondé les Black Cross Nurses (suivant le modèle de la Croix-Rouge) pour venir en aide aux soldats blessés et à la communauté noire en fournissant des services médicaux, comme ceux liés aux premiers soins, à l’alimentation, aux soins de santé et aux services de garde d’enfants. Les femmes noires ont également travaillé dans des usines de munitions; ces femmes se sont vu accorder les emplois les plus dangereux, dont la manipulation d’explosifs.

La Deuxième Guerre mondiale

Initialement, l’armée canadienne avait refusé d’enrôler des personnes de race noire pour la Deuxième Guerre mondiale. À mesure que s’est poursuit la guerre, cependant, les unités régulières et les corps des officiers ont accepté de nombreux Noirs. Quoique la ségrégation ait persisté jusqu’à la fin de la guerre, des centaines de Canadiens noirs ont servi aux côtés de Canadiens blancs, au Canada et en Europe. Comme pendant la Première Guerre mondiale, ceux restés au foyer ont assumé les responsabilités des hommes et des femmes partis outre-mer, occupant des emplois partout au pays avec des blancs. La guerre a eu pour effet d’augmenter la variété de rôles offerts aux Canadiens de race noire servant dans l’armée et se sacrifiant à la maison comme à l’étranger. Le service des Canadiens de race noire constitue une mesure de la façon dont les Canadiens noirs étaient de plus en plus intégrés à l’ensemble de la société canadienne.

Les organisations syndicales de porteurs ferroviaires

Dans les années 1920, des Noirs originaires des Caraïbes avaient immigré en Nouvelle Écosse. Ils étaient venus travailler dans les aciéries du cap Breton, quoique nombreux d’entre eux devinrent des porteurs ferroviaires. Par l’intermédiaire de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs (la première organisation syndicale noire de porteurs ferroviaires en Amérique du Nord) et de l’Ordre des porteurs de wagons-lits, les travailleurs ont lutté contre les politiques d’emploi syndicalistes et ségrégationnistes de Jim Crow sur les chemins de fer canadiens. En développant un bon sens politique, ces groupes ont utilisé des lois sur l’emploi existantes pour dénoncer la discrimination en milieu de travail canadien.

La Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs a été désignée comme l’une des meilleures histoires à succès des travailleurs noirs pendant les années de la Deuxième Guerre mondiale. Après la guerre, les porteurs ont également joué un rôle important dans le mouvement pour les droits de la personne, particulièrement par leur lutte pour éliminer la discrimination dans les emplois ferroviaires. Par leurs actions, les porteurs ferroviaires ont obtenu de la reconnaissance pour les travailleurs noirs au Canada.

Des lois pour un changement

Le 14 mars 1944, l’Ontario a été la première province à réagir aux changements sociaux en adoptant une loi sur la discrimination raciale, soit la Racial Discrimination Act. Ce jalon législatif interdisait la publication ou l’affichage de symboles, de signes ou d’avis reflétant une intention de discrimination ethnique, raciale ou religieuse. D’autres mesures législatives de grande envergure s’en sont suivies partout au pays : la B.C. Social Assistance Act, en 1945, et la Saskatchewan Bill of Rights Act, en 1947, interdisaient la discrimination; le Canada a signé la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948.

leonard-braithwaiteLa même année, la Loi électorale du Canada a été adoptée, éliminant la race comme motif d’exclusion du droit de vote aux élections fédérales. Cependant, ce n’est que le 12 septembre 1963 que le premier Afro-Canadien, Leonard Braithwaite, a été élu à l’assemblée législative provinciale en tant que député d’Etobicoke, en Ontario.

La lutte se poursuit

En 1975, le réformateur noir Wilson Head a créé l’Alliance urbaine sur les relations interraciales. Head a consacré sa vie à la défense des droits de la personne aux États-Unis et au Canada. Son organisme se dévoue encore aujourd’hui à la lutte contre la discrimination à l’égard de toutes les communautés ethnoraciales.

Au cours de cette période, la Coalition of Black Trade Unionists a été fondée et un effort concerté a été mené pour accroître le nombre de sièges réservés aux minorités raciales au sein des conseils d’administration du Congrès du travail du Canada et de la Fédération du travail de l’Ontario. En 1987, Herman Stewart de l’International Ladies Garment Workers Union a été la première personne de couleur à se faire élire lors du congrès de la Fédération du travail de l’Ontario. La Coalition a redoublé ses efforts en vue d’imposer un changement à l’échelle nationale, et en 1990, lors de l’assemblée du Congrès du travail du Canada à Montréal, Dory Smith a réussi à recueillir plus de mille votes, ce qui lui a presque remporté un siège. Grâce aux pressions continues exercées, deux sièges octroyés aux membres de minorités visibles ont été réservés au sein du conseil du Congrès du travail du Canada lors de la prochaine assemblée.

CBTU

Le Mois de l’histoire des Noirs

Le Mois de l’histoire des Noirs permet de souligner l’expérience des Canadiens de race noire de toutes les régions. Au Musée de l’histoire ouvrière, nous souhaitons commémorer ces gens de la classe ouvrière dont la vie et les actions ont mené à des changements constructifs et progressistes. Le « Projet Cal Best » célèbre la vie et l’héritage d’un de ces hommes.

James Calbert Best, fils de l’activiste Carrie Best et du porteur ferroviaire Albert Best, a eu une remarquable carrière de 49 ans à titre de militant syndical, de haut fonctionnaire et du premier haut-Poster for librarycommissaire noir du Canada (à Trinité et Tobago). Il a présidé l’Association du Service civil du Canada (le prédécesseur de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, ou AFPC) de 1957 à 1966. De plus, il a occupé des postes de directeur et de sous-ministre adjoint au sein de divers ministères du gouvernement fédéral. Best a apporté une contribution essentielle à la négociation collection, à l’immigration et même au sport canadien.

Le Canada doit une fière chandelle à Cal Best ainsi qu’à tous les hommes et à toutes les femmes qui luttent pour l’égalité.

Par Taylor Jackson | Traduit par Valérie Lalonde

Venez souligner le Mois de l’histoire des Noirs avec nous dans le cadre du « Projet Cal Best » et de la première projection de notre documentaire Cal Best : Sa vie. L’événement, animé par Adrian Harewood de la CBC, comprend une discussion en groupe avec Stephen Best, le fils de Cal, ainsi que les réalisateurs du documentaire. Rendez-vous à la Bibliothèque publique d’Ottawa (bibliothèque centrale), au 120, rue Metcalfe, à Ottawa, le 25 février, à 19 h. L’entrée est gratuite.

Bibliographie
MATHIEU, Sarah-Jane. « North of the colour line: sleeping car porters and the battle against Jim Crow on Canadian rails, 1880-1920 », Labour 47 (printemps 2011), p. 9-41.
Mois de l’histoire des Noirs : Principaux événements historiques
Histoire des Noirs au Canada (Historica Canada)
Black Cultural Centre for Nova Scotia [en anglais seulement]
Anciens Combattants Canada
A. Philip Randolph Pullman Porter Museum [en anglais seulement]
Ontario Black History Society [en anglais seulement]
La vie des Canadiens de race noire en Ontario entre 1834 et 1914 : De l’exode à l’enracinement (Archives publiques de l’Ontario)
Brotherhood of Sleeping Car Porters (African Canadian Community) [en anglais seulement]
The Road Taken (Office national du film du Canada) [en anglais seulement]