Collection Sur L’usine De Pâtes Et Papiers E. B. Eddy
Historiens et chercheurs sont invités à communiquer avec le Musée de l’histoire ouvrière pour avoir accès à une collection documentaire visuelle unique en son genre qui présente de façon détaillée l’ancien complexe de l’usine de pâtes et papiers de la E. B. Eddy Company/Domtar d’Ottawa, au Canada.
Bien qu’Ottawa soit généralement perçue comme une ville gouvernementale, elle fut autrefois centrale à l’industrie du bois d’œuvre et des pâtes et papiers. Les scieries sont apparues dès le début du XIXe siècle à la chute des Chaudières, au cœur de ce qui deviendrait un jour les villes d’Ottawa et de Hull/Gatineau. Pendant la majeure partie du XXe siècle, le site fut dominé par les usines de pâtes et papiers de la E. B. Eddy Company, qui se sont plus tard fusionnées à celles de J. R. Booth du côté sud de la rivière pour ainsi former un grand complexe tentaculaire. En 2006-2007, Domtar, le propriétaire actuel, a fermé les usines, mettant fin à 200 ans d’activité industrielle sur le site.
Au début de 2014, le Windmill Development Group a annoncé qu’il avait acquis le site pour le réaménager en bureaux, condominiums et espaces commerciaux.
Entre mai 2014 et août 2015, avec l’autorisation et la coopération du Windmill Development Group, une équipe de photographes bénévoles formée par le Musée de l’histoire ouvrière a créé un dossier visuel exhaustif du vaste complexe historique.
L’équipe a produit plus de 70 000 images et environ 36 heures de vidéo couvrant chaque mur, chaque plancher et chaque plafond des usines, ainsi que tous les accessoires, machines, outils, meubles, fenêtres, portes, composantes structurelles et signalisation. La collection documentaire visuelle est aussi complète que la technologie d’image de l’époque aurait pu le permettre, immortalisant un site en voie de disparition.
Les images comprennent des panoramas de murs et de plafonds se chevauchant à des images d’objets prises de tous les angles, souvent accompagnés d’une ligne guide. Toutes les images sont identifiées par le lieu où elles ont été prises.
Je me souviens : Papetière E.B. Eddy / Domtar
Paul Harrison, directeur du projet et archiviste des images, MHO
Photographier à des fins archivistiques les installations de l’ancienne papetière E.B. Eddy / Domtar s’est avéré l’un des événements les plus mémorables de ma vie.
Si vous n’êtes pas photographe, il peut être difficile de comprendre pourquoi des bénévoles non rémunérés se sont éreintés à en faire autant pendant 13 mois. Pour tout dire, les sites industriels abandonnés sont pour de nombreux photographes ce que le mont Everest est pour les alpinistes : l’occasion d’une vie ! Si la majorité des images prises sont des photos banales et archivistiques, il était entendu que l’on pouvait à tout moment interrompre nos progrès pour se livrer à des photos artistiques. En effet, il était impossible de prédire quand, par un heureux hasard, vous pouviez tomber sur la bonne combinaison de maçonnerie, de taches de rouille et de jeux d’ombres pour vous prêter à une photo à vous couper le souffle, après une très longue journée de labeur.
Les lieux pouvaient être sombres, froids, humides et dangereux mais aussi attrayants, accrocheurs, voire beaux et magiques. Le silence était tel qu’on avait l’impression de réveiller le complexe d’un sommeil profond, ses conduites de vapeur sifflant sa respiration âgée, ses énormes panneaux électriques bourdonnant de souvenirs – peut-être était-il étonné et indigné de notre intrusion.
Partout des rappels touchants des gens qui y avaient travaillé, de leur histoire. Ci et là, dans les grands couloirs autrefois occupés par de gigantesques machines à papier ronronnantes, on pouvait deviner des bureaux, des ateliers de soudure, de menuiserie, de machines électriques, des vestiaires et des douches, de petites cafétérias, des salles de formation ou de réunion. Des registres d’entretien et des calendriers affichant avril 2007 – le mois de fermeture de l’établissement – se trouvaient encore sur certains bureaux comme si la personne qui y travaillait s’était levée pour tout simplement quitter à tout jamais les lieux le dernier jour. Nous avons vu (et photographié, évidemment) des formules que des ingénieurs avaient gribouillées sur les murs de béton alors qu’ils exploraient leur pensée; des casques et des gilets de protection dans des casiers; des calendriers osés d’un fabricant allemand d’outils et de matrices; et, juste à l’extérieur du bureau principal, les signatures que certains travailleurs ont griffonnées sur le mur du couloir le dernier jour, précisant leur date d’entrée puis, en dessous, la date de leur dernière journée au travail.
Ci-après, les images du chantier augmentées de mes observations. Tout comme notre matériel d’archive, les images mieux que les mots nous permettent de nous faire une idée des lieux.
Nous avons documenté chaque mur et chaque plafond grâce à une série d’images. Dans la mesure du possible, nous avons pris chacune des images de la série à une longueur focale fixe et à une distance constante à la fois par rapport au mur et latéralement, le tout étant consigné sur nos feuilles de contrôle.
Au moment où j’ai pris cette photo, je me disais sans doute : « Je n’ai aucune idée de ce que pourrait bien être cette masse toute rouillée là-haut, mais c’est mon boulot de la rendre immortelle ». Ou je me suis rappelé l’une des devises du projet : « Le bonheur c’est une rallonge qui est assez longue ».