Au cours de l’été 1986, l’Alberta connaît un véritable contre-choc pétrolier (elle en a connu auparavant et en connaîtra encore un jour). L’économie se porte mal et oppose les travailleurs à la police tandis que les employeurs profitent de la conjoncture pour réclamer concessions et compressions. De leur côté, les travailleurs et travailleuses livrent la bataille de leur vie.

Des piquets de grève sont érigés par les travailleurs de Suncor, à Fort McMurray, de Zeidler Forest Products, à Edmonton et à Slave Lake, ainsi que de Fletcher’s Fine Foods, à Red Deer. Cependant, c’est le débrayage des 1 080 employés de Gainers (une usine de transformation de la viande), à Edmonton, qui galvanise la population canadienne. Ce débrayage qui dure pendant six mois et demi met en cause une dispute sur la diminution salariale et la protection des pensions.

Les membres syndicaux débrayent le 1er juin. Des partisans barrent les grilles d’entrée de la 66th Street, des roches et des bombes de peinture se font violemment lancer et des fenêtres d’autobus se font casser alors qu’arrivent des convois de briseurs de grève recrutés par le propriétaire de Gainers, Peter Pocklington, pour poursuivre les activités de l’usine. À un certain point, près d’un tiers de l’ensemble du corps policier d’Edmonton (375 officiers) est affecté à l’usine de Gainers.

Gainers leaflet Ottawa Sep 19 1986Le mouvement syndical albertain et le mouvement syndical canadien se joignent à la cause des travailleurs qui gagnent 12 dollars de l’heure dans une industrie sale et dangereuse contre l’homme d’affaires riche et bagarreur également propriétaire de l’équipe de hockey des Oilers d’Edmonton.

Gainers obtient rapidement des injonctions pour limiter le nombre de manifestants et les lieux de manifestation. Néanmoins, des partisans syndicaux suivent des camions de livraison afin de faire pression sur des détaillants et ainsi les inciter à acheter d’entreprises concurrentes. Le boycottage se répand ensuite dans tout le pays. Les efforts de boycottage sont nombreux. À Ottawa, des partisans se présentent à un match de hockey entre les Oilers et les Canadiens de Montréal le 19 septembre. Deux mascottes les accompagnent : un cochon et un hot-dog de taille humaine. Il s’agit d’un des maints moyens de pression à l’échelle locale visant à appuyer le boycottage.

« Ce fut le boycottage le plus efficace que j’ai témoigné. Il s’est vite répandu dans l’ensemble du pays », affirme Dave Werlin, président retraité de la Alberta Federation of Labour.

La grève se termine à la conclusion d’une entente en décembre, après des réunions médiées par le premier ministre provincial de l’époque, Don Getty. Par la suite, le gouvernement de l’Alberta annonce un financement de 61 millions de dollars en prêts et en garanties de prêts accordé à Gainers pour la construction d’une usine à Picture Butte. L’usine ne voit pas le jour.

M. Pocklington, également connu comme l’homme ayant échangé Wayne Gretzky et candidat à la tête du Parti conservateur, déménage aux États-Unis où il est condamné pour crime ayant plaidé coupable de parjure, en Californie, pendant les procédures de faillite.

Par Ken Clavette | Traduit par Valérie Lalonde