Expression révolue

Brass Monkey

L’on attribue souvent l’origine de l’expression anglaise « It’s cold enough to freeze the balls on a brass monkey », traduite par « il fait un froid à geler les boules d’un singe de laiton », aux plateaux de laiton, prétendument appelés « singe », qui retenaient les pyramides de boulets de canon empilés sur le pont des navires de guerre napoléoniens.  Par grands froids, disait-on, le laiton gelait et les boulets dégringolaient, causant vacarme et émoi.  Cette hypothèse a été réfutée, ne serait-ce que parce qu’aucune preuve n’existe indiquant que les marins, toujours soucieux de leur santé et de leur sécurité, n’aient jamais rangé des boulets de canon de façon aussi ridicule.  De plus, le lien avec les extrémités inférieures est récent.  Au XIXe siècle, en référence aux singes, l’on parlait plutôt de geler le nez ou la queue.  L’expression « parler à en faire tomber les oreilles d’un singe » était aussi parfois entendue.  Toutefois, pourquoi parler d’un « singe de laiton » ?  Ce mystère règne toujours.  Au XVIIe siècle, un type de canon d’arme portait ce nom, mais il est beaucoup plus probable que l’expression fasse référence aux petits singes de laiton vendus aux touristes, en Chine et au Japon.  Puisque la plupart de ces visiteurs arrivaient par bateau, on y voit peut-être là, un lien nautique après tout.

Congè pour obligations familiales

Le congé pour obligations familiales est toute disposition qui a été négociée ou légiférée grâce à laquelle les travailleuses et les travailleurs peuvent s’absenter du travail tout en étant rémunéré, partiellement rémunéré ou non rémunéré pour s’acquitter de leurs responsabilités familiales, ce qui permet une meilleure conciliation travail-famille.  Si le congé de maternité a été une percée spectaculaire au Canada (voir la vidéo «

Un précieux héritage

» du MHO pour une mise en contexte historique), il existe d’autres dispositions importantes telles que le congé de deuil, le congé familial pour raison médicale, le congé pour les soins et l’éducation d’enfants d’âge préscolaire, etc. La liste évolue selon les besoins et la reconnaissance sociale de ces besoins.

Sabotage

Êtes-vous de ceux et celles qui croient que le terme « sabotage » tire son origine de la pratique, chez les travailleurs et les travailleuses français, de jeter leurs sabots de bois dans la machinerie lors de conflits de travail ?

Il est vrai qu’il est question de sabots et du mouvement syndical au XIXe siècle.  En effet, en 1897, deux anarchises français auraient été les premiers à parler de sabotage pour décrire la politique des ralentissements et des inefficacités au travail.  « Sabotage » nous vient du verbe « saboter » dont le sens premier est de faire beaucoup de bruit avec des sabots de bois.  En 1907, on disait que le « sabotage » c’était ralentir le processus de production lorsque les patrons mettaient trop de temps à augmenter les salaires de leurs employés.

On entend par sabotage : « l’acte d’endommager ou de détruire de manière délibérée la propriété de l’employeur pendant une grève ou un quelconque conflit de travail et, par extension, tout dommage occasionné délibérément et clandestinement pour perturber les ressources financières ou militaires de l’ennemi ».

La formule Rand

Au Canada, quiconque tire bénéfice des conditions avantageuses négociées par un syndicat doit lui verser une cotisation en contrepartie, c’est un des piliers des relations syndicales-patronales.

En 1949, après une grève historique de 99 jours à l’installation Ford, en Ontario, le juge Ivan Rand (de la Cour suprême de l’Ontario) fut nommé arbitre pour régler le conflit entre la société Ford et les Travailleurs unis de l’automobile. Les dirigeants chez Ford maintenaient n’avoir aucune obligation légale de négocier avec le syndicat, même si c’était là la volonté de la majorité de ses employés. Les TUA maintenaient que si les employés choisissaient de se joindre à un syndicat, tous les employés devaient s’y joindre (atelier fermé). Ces grèves de « reconnaissance » étaient typiques de nombreux conflits longs et acrimonieux.

Le juge Rand a opté pour un compromis historique, soit que la société Ford devait reconnaître et traiter avec le syndicat choisi démocratiquement en échange de quoi il n’y aurait pas de grèves pendant la durée de la convention collective. Pour sa part, si le syndicat n’obtenait pas un atelier fermé, il obtenait une disposition selon laquelle il toucherait des cotisations de tous ceux et celles qui sont régis par la convention collective, bien que personne ne serait contraint de se joindre au syndicat.

Les différentes juridictions du pays ont adopté cette formule au fil des ans de sorte qu’elle demeure la pierre d’assise du système actuel.

Costermonger

Marchand ambulant qui vend des fruits et des légumes dans la rue, généralement à l’aide d’une brouette poussée à la main ou d’une charrette tirée par un âne. Les « Costers » étaient de grosses pommes juteuses, cultivées principalement dans le Gloucestershire et le Herefordshire, et dont la présence est attestée pour la première fois au XIIIe siècle. « Monger » est un mot anglais ancien servant à désigner une personne qui fait du commerce ou qui vend (tel qu’un marchand de fromages, un marchand de poissons, etc.). Selon les entretiens d’Henry Mayhew avec des « costermongers » au milieu du Londres victorien, la police harcelait bon nombre de ces marchands fiers de porter des foulards distinctifs au cou en leur disant de « déguerpir ».

« The London Costermonger », an illustration from Henry Mayhew’s London Labour and the London Poor (1851)

Classement-moquette

Dans les années 60 et au début des années 70, la fonction publique fédérale utilisait l’expression « classement-moquette » (« rug-ranking ») à tout venant pour décrire le travail quotidien du fonctionnaire.  On s’en servait surtout pour calculer le salaire des secrétaires.  Ces dernières ne faisaient pas l’objet d’une classification qui leur était propre, mais plutôt d’une classification tributaire de celles de leurs patrons.  Très souvent, les ajointes exécutives et les secrétaires suivaient le cheminement de carrière de leurs patrons de sorte que si ces derniers étaient promus, elles l’étaient également et elles avaient ainsi droit à une augmentation salariale. 

L’Alliance de la fonction publique du Canada voulait mettre fin à cette pratique au sein de la fonction publique et elle y est enfin parvenue, en avril 1978, avec la signature d’une convention collective pour le nouveau groupe « Secrétariat, Sténographie et Dactylographie ».  Cette convention englobait l’ancien sous-groupe des secrétaires, prévoyait quatre niveaux de paie et accordait également au groupe tout entier une importante majoration salariale rétroactive à 1976. 

Poste bloqué

Un poste bloqué ou surévalué est occupé par un-e employé-e qui touche une rémunération supérieure à l’échelle salariale prévue pour ce poste.  La belle affaire ! me direz-vous. En fait, non. 

Au Canada, le poste de fonctionnaire fédéral est parfois reclassifié ou transposé dans un groupe et à un niveau dont le taux de rémunération maximal est inférieur.  Puisqu’il serait injuste de réduire la rémunération de l’employé-e, celui-ci ou celle-ci conserve son ancien taux de rémunération – ce qu’on appelle un « taux de retenue » – mais il ou elle ne reçoit plus les augmentations d’échelon auxquelles il ou elle aurait régulièrement droit dans son ancien poste jusqu’à ce que le niveau et les échelons de rémunération du nouveau poste rattrapent ceux de l’ancien.  Entre temps, le poste du titulaire est bloqué.  

L’expression est officielle.  Le site Web du Conseil du Trésor en propose même la traduction en anglais, soit « red-circling ».  Si le but est de protéger le revenu de l’employé-e, le fait de bloquer le poste correspond à un gel de son salaire puisqu’il ou elle perd les augmentations d’échelon auxquelles il ou elle aurait normalement droit.  Si la différence d’échelle salariale est grande, ce gel de salaire peut durer longtemps, ce qui peut encourager un-e employé-e par ailleurs heureux-se à chercher un autre poste.  Et pourtant, cette pratique est relativement inoffensive au sein de la fonction publique. 

Dans le monde des affaires, cette pratique est plus sinistre.  Une entreprise florissante peut être généreuse et offrir des échelles salariales plus élevées à ses employés pour ensuite réaliser que ses concurrents paient moins à ceux et celles qui font le même travail.  Or, la demande pour une aptitude ou un métier donné peut diminuer et les salaires moyens stagner, de sorte que, du point de vue de l’entreprise, ses employés sont dorénavant trop bien payés. Souvent, rien n’empêche une entreprise – du moins une entreprise dont l’effectif n’est pas syndiqué – de bloquer de nombreux postes jusqu’à ce que la demande l’oblige à verser de nouveau des augmentations d’échelon.  Si en faire autant aligne les salaires en question sur les normes de l’industrie, les employés dont le salaire est gelé n’ont aucun recours.  Les écoles d’études commerciales voient d’un mauvais œil cette pratique, non pas parce qu’elle nuit aux employés, mais parce qu’elle révèle que l’entreprise est mal gérée dans la mesure où elle n’a pas su bien attribuer les salaires et qu’elle paie ses employé-es « plus qu’ils ou elles ne valent ».  Selon une observation caustique d’un site d’affaires : « les chefs d’entreprise sont souvent réticents à confronter pareille situation quand les conditions économiques sont favorables ».  Toujours selon ce même site Web, il existe d’autres raisons légitimes pour justifier un gel des salaires, y compris l’achèvement d’un projet, le client cesse de faire affaires avec l’entreprise ou la direction de l’entreprise « décide de bonifier sa philosophie en matière de rémunération ».  On trouve sur ce site plusieurs tuyaux pour vérifier si les employé-es d’une entreprise sont trop bien payés.  

On parle aussi de « poste sous-évalué » (« green-circling ») – vous l’aurez deviné – lorsque l’employé gagne moins que le taux nominal du poste.  C’est ce qui se produit lorsqu’un-e employé-e est promu-e de plusieurs échelons d’un seul coup, mais que son employeur n’est pas disposé à augmenter le salaire de 20 ou 30 pour cent.  Voilà une autre pratique que les sites d’affaires estiment mal avisée non pas parce que l’employé-e n’est pas rémunéré-e pour les nouvelles fonctions qu’il ou elle assume mais parce que cela pourrait donner lieu à des « ennuis juridiques » ou « être perçu comme discriminatoire ».  Non, vraiment ?